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Victor Hugo et l'Arc de triomphe

Homme de lettres, homme politique, et grand témoin de son époque, Victor Hugo portait un attachement fort à l’Arc de triomphe. Explorez ici les grands événements qui ont réuni l’auteur et le monument au cours du XIXe siècle.

L'histoire de France à travers la vie d'un poète

Un homme engagé

Auteur prolifique, Victor Hugo n’en n’est pas moins un homme engagé sur le plan politique. Fervent défenseur de la monarchie au début du siècle, Hugo se mue peu à peu en républicain affirmé dès les années 1850. Profondément ancré à gauche dans la dernière moitié de sa vie, il servit la République jusqu’à sa mort. 

Victor Hugo est aussi le témoin de la construction de l’Arc de triomphe. Son admiration pour Napoléon Ier le pousse à prendre la plume pour défendre ce projet architectural et artistique. 

À la chute de l’Empire, en 1814, la construction de l’Arc de triomphe est brutalement suspendue. Et ce n’est que neuf ans plus tard, en 1823, que le roi Louis XVIII ordonne la reprise des travaux. Un mois après la réouverture du chantier, et bien que l’Arc de triomphe soit encore loin d’être achevé, Hugo chante les gloires de ce jeune monument : 

Arc triomphal ! la foudre, en terrassant ton maître, Semblait avoir frappé ton front encore à naître. Par nos exploits nouveaux te voilà relevé !

Portrait de Victor Hugo, gravure de Lith de Delpech, en 1833.
Portrait de Victor Hugo, gravure de Lith de Delpech, en 1833.

© Pascal Lemaître / Centre des monuments nationaux

De la Révolution à l'Empire

Lorsque Louis XVIII décède en 1824, Charles X poursuit la construction. Victor Hugo s’en réjouit. Cependant, les journées révolutionnaires de 1830 portent sur le trône Louis-Philippe Ier, un roi citoyen qui inscrit son règne dans un esprit de concorde nationale. Cette nouvelle période, la Monarchie de Juillet, trouve grâce aux yeux du poète. Il est nommé pair de France par Louis-Philippe Ier, Victor Hugo fait alors ses premiers pas en politique. 

La construction de l’Arc de triomphe se termine en 1836. Le monument célèbre à la fois la Révolution et l’Empire. Les Français découvrent les quelques 660 noms de généraux et de maréchaux gravés sur les piliers du monument. Victor Hugo s’y rend lui aussi. Mais l’exaltation laisse place à la déception. Son père, Joseph Léopold Sigisbert Hugo semble avoir été oublié. Un an plus tard, il rédige : À l’Arc de Triomphe, un long poème qui se termine par ces vers :

Quand ma pensée ainsi, vieillissant ton attaque, Te fait de l'avenir un passé magnifique, Alors sous ta grandeur je me courbe effrayé, J'admire, et, fils pieux, passant que l'art anime, Je ne regrette rien devant ton mur sublime Que Phidias absent et mon père oublié.

Table commémorative portant des noms de généraux.
Noms des généraux sur l'un des piliers de l'Arc de triomphe.

© Pascal Lemaître / Centre des monuments nationaux

Un témoin de son époque

En 1840, Louis-Philippe Ier charge le Duc de Joinville, son fils, d'organiser le retour des cendres de Napoléon Ier depuis Sainte-Hélène. Le 15 décembre, un hommage national se tient de l’Arc de triomphe jusqu’à l’Hôtel national des Invalides. Ce jour-là, Victor Hugo fait partie des nombreux invités. Il rapporte ce qu’il voit et ce qu’il entend au cours de cet hommage national qui rassembla plusieurs centaines de milliers de français.

Très acerbe, il déplore un hommage en demi-teinte qui ne restitue pas le panache impérial. Il fait notamment référence au couronnement de Guillaume Abel Blouet au sommet de l’Arc de triomphe

Un médiocre décor d'opéra occupe le sommet de l'arc de triomphe, l'empereur debout sur un char entouré de Renommées, ayant à sa droite la Gloire et à sa gauche la Grandeur [...] Ceci est du galimatias monumental. 

En effet, le dernier architecte de l'Arc de triomphe, réalise en 1834 un couronnement pour l'Arc de triomphe. À l'origine, c'est la figure de la France qui était représentée au centre. À la veille du retour des cendres de Napoléon, Blouet remplace la France par Napoléon en tenue impériale. 

Projet de couronnement, le 15 Décembre 1840.
Exécuté à l'occasion de la translation des Cendres de l'Empereur Napoléon 1er.

© Reproduction Benjamin Gavaudo / Centre des monuments nationaux

Figurine républicaine jusqu'à la fin

L'exil sous Napoléon III

La Deuxième République naît de la Révolution de 1848. Victor Hugo se présente avec succès au suffrage des électeurs. Il apporte alors son soutien à Louis-Napoléon Bonaparte lors de l’élection présidentielle. Victor Hugo est cependant plus féroce lors du coup d’État de 1851 qui installe le Second Empire de Napoléon III

L’auteur s’exile et il devient le plus grand adversaire de celui qu’il qualifie de « Napoléon Le Petit » et de sa politique liberticide. À la chute du Second Empire, en 1870, Victor Hugo revient en France dans un engouement général. Il est désormais la figure républicaine par excellence. 

Le poète séjourne désormais, à deux pas de l’Arc de triomphe, dans son hôtel particulier situé au numéro 50 de la rue d’Eylau. C’est ici qu’il passe les dernières années de sa vie. En 1881, la République rebaptise sa propre rue en son nom. Ses correspondances lui parviennent alors précédées de la mention « À Victor Hugo, en son avenue, à Paris ». 

Le 15 mai 1885, Victor Hugo est victime d’une congestion pulmonaire. La France vit les dernières heures du poète suspendue aux dépêches et chroniques journalistiques. Des milliers de français se rassemblent jour et nuit autour de son domicile. Il s’éteint le 22 mai au 50 avenue Victor Hugo (actuel numéro 124).

Les funérailles de Victor Hugo, le catafalque sous l'Arc de triomphe, 1885.
Les funérailles de Victor Hugo, le catafalque sous l'Arc de triomphe, 1885.

© Paris Musées / Maisons de Victor Hugo Paris-Guernesey

Des funérailles nationales

Face à l’ampleur de l’émotion suscitée par la mort de Victor Hugo, la République souhaite rendre un hommage triomphal au poète. Le 31 mai, vers 6h du matin, le convoi transportant la dépouille de l'écrivain quitte le 50 avenue Victor Hugo et prend la direction de l’Arc de triomphe

Sous la grande arche du monument se tient le catafalque   de 22 mètres de haut dessiné par Charles Garnier. L’architecte de l’Opéra avait tenu à concevoir bénévolement cette œuvre dont la forme rappelait à la fois une urne et un encrier. 

Le corps de Victor Hugo est déposé aux pied du catafalque. Un voile de crêpe est étendu sur l’Arc de triomphe. Un autre voile recouvre le couronnement de Falguière alors en place au sommet de l'Arc de triomphe. Le poète sera veillé toute la nuit du 31 mai 1885 par des millions de français. Pour illuminer le monument, 44 candélabres furent allumés tandis que 4 urnes diffusent de l’encens. 

Plus de 2000 délégations françaises et étrangères se succèdent à l’Arc de triomphe. Le 1er juin, au matin, des chars entiers de couronnes de fleurs convergent encore vers la place de l’Étoile. Des drapeaux tricolores sont agités par la foule. On assiste aux discours du président du Sénat, du président de la Chambre, du ministre de l’Instruction Publique, des Beaux-Arts, et des Cultes. L’Académie Française est également représentée.  

L’Arc de triomphe est devenu, le temps de cet hommage, le catalyseur de cette émotion nationale. Plus tard dans la journée, le corps de Victor Hugo est conduit au Panthéon. Selon son dernier souhait, il sera transporté dans le corbillard des pauvres. 

Funérailles de Victor Hugo, le 1er juin 1885.
Deuxième partie de l'évènement national : un escadron de la Garde républicaine à cheval ouvrant le cortège funèbre depuis l'Arc de triomphe et avançant sur les Champs-Elysées.

© Paris Musées

Au monument

L'apothéose de Guillaume Dubufe

En 1888, l'artiste Guillaume Dubufe peint "La Trinité poétique Alfred de Musset, Victor Hugo et Alphonse de Lamartine" exposé au Salon de la Société des Artistes Français de la même année.

L'œuvre finale servit de décoration au Pavillon français lors de l'Exposition universelle de Saint-Louis aux États-Unis en 1904. Cette esquisse qui présente le catafalque de Victor Hugo sous l’Arc de triomphe. Il est accueilli par une nuée d’anges musiciens dont l’un tend un drapeau tricolore. Depuis 2018, le tableau est exposé dans le musée de l'Arc de triomphe.

L'apothéose de Victor Hugo, de Guillaume Dubufe, 1888.
L'apothéose de Victor Hugo, de Guillaume Dubufe, 1888.

© Reproduction Patrick Cadet / Centre des monuments nationaux

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