Insolite
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Du 10 juin au 4 juillet 2025, l’Arc de triomphe a accueilli Maud Thiria pour sa deuxième résidence de poète, en partenariat avec le Printemps des Poètes. Une initiative du Centre des monuments nationaux pour faire dialoguer patrimoine et création contemporaine au cœur d’un lieu emblématique.
Le Centre des monuments nationaux (CMN) chargé, entre autres missions, de valoriser le patrimoine, de le rendre accessible au plus grand nombre et d’assurer la qualité de l’accueil, encourage la participation des monuments à la vie culturelle en organisant des initiatives telles que l’accueil d’artistes en résidence.
Dans le cadre de cette mission, l’Arc de triomphe-CMN a lancé sa seconde résidence de poète en 2025. L’objectif de ce projet était de commander une œuvre poétique originale, inspirée de la perception sensible du monument et, de sa vie culturelle.
Pour cette deuxième édition, le monument a choisi d’inviter Maud Thiria, poète et artiste plasticienne.
Le projet de résidence à l’Arc de triomphe s’inscrit dans la lignée de l’inspiration littéraire autour du monument et de son histoire, initiée par Victor Hugo. Dès 1823, Hugo a établi un lien profond avec l’Arc de triomphe. En tant que figure engagée et défenseur du patrimoine, il a laissé un héritage littéraire marquant, célébrant notamment l’Arc de triomphe à travers des œuvres telles que « À l’arc de triomphe de l’Étoile » Odes et Ballades (1823), « À l’arc de triomphe » Les Voix Intérieures (1837), « Funérailles de Napoléon » Choses vues (1840-1841), ou encore « Le Retour de l’Empereur » La légende des siècles (1859). De plus, les funérailles nationales de Victor Hugo ont débuté sous l’Arc de triomphe en 1885, avant son inhumation au Panthéon.
Arc triomphal ! la foudre, en terrassant ton maître,
Semblait avoir frappé ton front encore à naître.
Par nos exploits nouveaux te voilà relevé !
Car on n’a pas voulu, dans notre illustre armée,
Qu’il fût de notre renommée
Un monument inachevé !
D’autres écrivains ont également évoqué le monument et les évènements se déroulant sur son parvis, tels que Jules Michelet (1798-1874), Alphonse de Lamartine (1790-1869), George Sand (1804-1876), Théophile Gautier (1811-1872), Edith Wharton (1862-1937), Kikou Yamata (1897- 1975), Ernest Hemingway (1899-1961), ou encore André Malraux (1901-1976).
Du sommet de l’Arc de Triomphe c’était une vision, un rêve. Sous ce vaste ciel rayé de nuages, coupé de pluie et de rayons de soleil, la gigantesque enceinte d’une ville immense avec ses dômes puissants, ses monuments superbes, ses clochers aigus, ses flèches, sa rivière jaune, ses vastes prairies, ses maisons innombrables. Quel cadre pour une scène pareille !
Cette résidence poursuit donc cette tradition qui lie l'histoire du monument à celle de grands poètes et écrivains. Elle vise également à initier une relation inédite entre le monument et la création contemporaine dans le but de produire des textes sensibles et artistiques actuels, accessibles à tous.
L’artiste invitée pour cette seconde édition de résidence à l’Arc de triomphe était Maud Thiria.
Née en 1973 à Paris, Maud Thiria est poète et plasticienne. Elle publie depuis plusieurs années dans de nombreuses revues littéraires, ainsi que dans des livres d’artistes et des livres pauvres. Son premier recueil, Mesure au vide (2017), a été sélectionné pour le Prix du Premier Recueil. En 2020, Blockhaus est salué par plusieurs prix, dont le Prix Yvan Goll en 2021.
Lauréate de plusieurs distinctions, elle reçoit notamment la bourse de poésie Gina Chenouard pour Falaise au ventre (2023) et le Prix René Leynaud pour Trouée (2022). Elle mène aussi des actions poétiques en milieu hospitalier, en lien avec le toucher et la mémoire, et poursuit une recherche artistique autour du corps et des paysages, dans le cadre de résidences et du programme « Mondes nouveaux ».
Artiste pluridisciplinaire, elle expose également sous le nom de Thiria Vinçon, dessinant des empreintes corporelles. Sa poésie, comme son art visuel, explore la mémoire, la disparition, et le lien entre corps et territoires marqués, inspirée notamment par la Lorraine de son enfance et les plages normandes.
© Maud Thiria
Après l’étonnement premier d’avoir été choisie pour « habiter » l’Arc en poète, me sentant assez éloignée d’une ode à la Victor Hugo sur un quelconque régime ou une victoire militaire, je me suis vite demandé comment aborder ce monument-musée si emblématique de la nation. Il me fallait trouver un « axe » pour oser l’approcher. Il y avait bien la pierre de Château-Landon et ses fossiles tissant mémoire au creux de la roche, ces blocs de pierre constituant mon bureau tel un blockhaus que j’allais habiter, sans ouverture mais si propice au silence. Il y avait bien ce souvenir de l’empaquetage magnifique réalisé par Christo de cette toile bleutée et argentée, reflétant le ciel changeant de Paris. Il y avait bien ce cri terrible de la Marseillaise au visage de Méduse sculpté par Rude d’après les traits de sa femme, sculptrice oubliée.
Peu à peu, piochant dans les livres ouverts devant moi, des mots comme des pépites, des citations historiques ou bibliques, des témoignages ; peu à peu me rendant poreuse à cet habitacle particulier de pierre et de mémoire, je me suis mise à écrire sur la présence obsédante de la grande absente de ces lieux : la femme.
À travers les plissés du tissu, les plis du temps, le texte textile a pris forme, flottant puis s’incarnant.
Petite-fille de poudrier, j’ai tenté de donner un autre sens aux poudres et d’y mettre feu d’une autre manière, moins guerrière mais combattive pour que la femme trouve place et écho dans l’Arc.
© Maud Thiria / Centre des monuments nationaux
Découvrez l'œuvre de l'artiste Maud Thiria, Le feu aux poudres, un poème lyrique et engagé inspiré par l'Arc de triomphe, qui propose une réappropriation du monument à travers une perspective de femme, tout en questionnant symboliquement sa fonction première de monument guerrier.
Le jeudi 26 juin 2025, l’Arc de triomphe a accueilli l’atelier d’écriture « Écrire le corps-paysage », animé par Maud Thiria.
Organisé en partenariat avec l’association Mille et Une Lanternes, grâce à la mise en relation par Culture du Cœur Paris, cet atelier a réuni huit participants adultes, venus d’horizons divers, certains récemment arrivés en France après avoir fui des zones de guerre. Tous ont partagé un même désir d’exploration sensible à travers l’écriture.
Après une visite découverte de l’Arc de triomphe, les participants ont été invités à réfléchir aux liens profonds entre le corps et les paysages qu’il traverse, habite ou conserve en mémoire. Guidés par Maud Thiria, ils ont rédigé des textes personnels à partir d’un paysage choisi, réel ou imaginaire, en lien avec leur vécu. Comment le corps est-il traversé des paysages qu'il traverse ? Comment en garde-t-il mémoire ? Existe-t-il un paysage qui corresponde au corps que l’on habite ?
Ce moment d'échange et de création a permis aux participants de faire émerger des récits intimes, mêlant mémoire corporelle, exil, et territoire intérieur. Un temps suspendu, au cœur d’un lieu emblématique, pour renouer avec l’écriture comme espace d’expression.
© Centre des monuments nationaux
© Centre des monuments nationaux
© Centre des monuments nationaux
© Centre des monuments nationaux
© Centre des monuments nationaux
© Centre des monuments nationaux
© Centre des monuments nationaux
Ce projet de résidence s'inscrit dans un partenariat avec le Printemps des Poètes, aujourd’hui la plus importante manifestation poétique en France.
Le Printemps des Poètes est, avant tout, un appel à impulser une dynamique commune à la poésie pour lui redonner sa place dans la cité ou la conforter dans son déploiement.
Multiforme par excellence, le Printemps des Poètes propose, outre son édition annuelle du mois de mars, une saison continue qui égrène des événements de janvier à décembre ainsi qu’un ample programme d’éducation artistique et culturelle.
En 2025, l’Arc de triomphe a accueilli le lancement de sa 27e édition consacrée à La poésie Volcanique.
Pour en savoir davantage sur cette résidence artistique et découvrir les détails du projet porté par Maud Thiria à l’Arc de triomphe, le communiqué de presse est disponible en téléchargement.